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"Dans la campagne où je vis, où tout le monde dépend de la voiture personnelle, les élus ont déjà totalement intégré le concept. Quand on évoque la nécessité de créer des transports en commun, ils répondent qu’il ne faut pas s’en faire et nous esquissent à grands traits un horizon radieux de navettes automatiques sillonnant les collines. Et donc ? Donc il faut attendre. Et une navette avec conducteur qui sillonnerait la campagne à la demande, à partir d’une étude des trajets existants ? Ah, c’est beaucoup trop cher, irréaliste, et puis il va y avoir les véhicules autonomes – lesquels, à l’inverse, semblent parfaitement réalistes, malgré les routes escarpées, les éboulis, le verglas, les biches qui traversent et l’absence d’infrastructures de big data."
"Vous connaissez peut-être Antonio García Martínez ? Ancien analyste financier chez Goldman Sachs, il a créé une start-up rachetée par Twitter, s’est fait embaucher par Facebook avant de tout plaquer (avec pas mal d’argent en poche). Sur la Silicon Valley, dont il décrit le quotidien dans un best-seller intitulé Chaos Monkeys, il fait ce commentaire lapidaire : « Chaque fois que je rencontre quelqu’un d’extérieur à la Silicon Valley – quelqu’un de normal –, je peux trouver dix entreprises qui travaillent comme des dingues pour lui piquer son job [20]. » Et même si je sais que vous ne le diriez pas en ces termes, c’est ce que vous êtes en train de faire. La technologie que vous développez est l’instrument d’une guerre de classes. Une guerre silencieuse dans laquelle la bourgeoisie entrepreneuriale du numérique œuvre, le plus souvent sans s’en rendre compte et en toute bonne conscience, contre la majorité des travailleurs et travailleuses."
"Il y a les financements des investisseurs et les financements publics, largement dictés par la guerre économique. Perfectionner les véhicules autonomes, c’est, consciemment ou inconsciemment, participer à cette guerre entre « les gens qui diront aux ordinateurs quoi faire, et les gens à qui les ordinateurs diront quoi faire », pour reprendre la formule de Marc Andreessen, fondateur du navigateur Web pionnier Netscape."