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En voilà du cadre, et de la méthode.
Plusieurs décennies de recherche en psychologie sociale montrent invariablement que plus les personnes sont de droite, plus elles sont intolérantes (par exemple, racisme, sexisme, homophobie, antisémitisme). À l’inverse, plus les personnes sont de gauche, plus elles sont tolérantes.
Redécouvrir la jeunesse au-delà des clichés et des jugements. Comprendre sa complexité pour lui offrir une place véritable.
[...] Dans certains pays, la jeunesse est perçue comme une phase d’émancipation à soutenir ; dans d’autres, elle peut s’apparenter à un danger et l’on cherche plutôt à l’encadrer en l’incitant à intégrer le marché du travail, à faire des études, etc. (Vincent Tiberj)
Perso, je vois l'infantilisation de certaines classes de jeunes en France effectivement conditionnée par le danger qu'elles inspirent aux tenants de certaines institutions, et des soi-disant "traditions". Et ça ne date pas d'aujourd"hui. Une sorte d'héritage colonial, un de plus.
Le sociologue pourfend les mythes de la fin du salariat et du remplacement des travailleurs par les machines, montrant la continuité entre capitalisme « à l’ancienne » et « nouvelle économie » du numérique.
Juan Sebastian Carbonell est chercheur en sociologie du travail à l’ENS Paris-Saclay, où il participe à un projet du Groupe d’études et de recherche permanent sur l’industrie et les salariés de l’automobile (Gerpisa), réseau international interdisciplinaire de recherche sur l’industrie automobile, constitué au début des années 1990 à l’initiative de l’économiste Robert Boyer, du sociologue Michel Freyssenet et de l’historien Patrick Fridenson.
Sa thèse, réalisée entre 2012 et 2018 sous la direction de Stéphane Beaud et Henri Eckert, portait sur les « accords de compétitivité » signés entre patrons et syndicats du secteur automobile à la suite de la crise de 2008, portant sur l’organisation du travail, les rémunérations et le maintien de l’emploi. Il vient de publier un essai, Le Futur du travail (éd. Amsterdam, 192 pages, 12 euros).
Comment passe-t-on d’une thèse de sociologie à un essai aussi ambitieux, où vous décrivez les évolutions contemporaines du travail, et proposez les moyens de remédier à ses travers ?
Ce que j’ai pu observer au cours de mes enquêtes dans le monde du travail, ce que me disaient les ouvriers, les syndicalistes, les manageurs, les directeurs d’usine, mais aussi ce que dit la recherche en sociologie ne correspondait pas à ce que je pouvais lire par ailleurs dans les médias, dans le débat public, ou dans de nombreux essais qui ont eu un grand retentissement, comme La Fin du travail de Jeremy Rifkin (La Découverte, 1995), ou Le Deuxième Age de la machine d’Andrew McAfee et Erik Brynjolfsson (Odile Jacob, 2014). J’ai donc voulu diffuser auprès du grand public les résultats de la recherche scientifique sur le sujet, qui sont loin de confirmer la fin du salariat ou le remplacement technologique.
Enfin, si la pandémie de Covid-19 a en effet révélé les transformations du travail, ce n’est pas, comme on le répète à satiété, dans le sens d’une plus grande autonomie conquise grâce au travail à distance. Je crains au contraire que le futur du travail, loin du « monde d’après » fantasmé que l’on nous promet, ne ressemble étrangement au travail du « monde d’avant »…
Il est pourtant difficile de nier que le déploiement des technologies numériques ait un effet sur le travail…
Bien sûr, mais cet effet est complexe et contradictoire. Je distingue dans mon livre quatre conséquences de ce déploiement. La première est effectivement le « remplacement » du travailleur par une machine ou un algorithme qui reproduit sa tâche et se substitue donc à son poste de travail. Mais les trois autres conséquences sont tout aussi importantes.
La deuxième est la redistribution du travail, lorsque l’introduction de la technologie permet d’affecter le travailleur remplacé à d’autres tâches. Cela peut aller dans le sens d’une déqualification – « il faut que n’importe qui puisse faire n’importe quoi », comme le dit un technicien d’usine interrogé – mais aussi d’une requalification, lorsque le travailleur remplacé est formé à l’utilisation de la technologie – par exemple dans les usines les postes de « conducteur d’installation industrielle » –, ou que des postes sont créés dans les industries technologiques elles-mêmes.
La troisième est l’intensification du travail : la technologie ne permet pas toujours, comme on pourrait le croire, une simplification des tâches, mais au contraire les complexifie et les accélère.
La quatrième est l’accroissement du contrôle managérial sur le processus de travail, que les technologies rendent plus transparent, plus mesurable et donc plus facilement soumis à la surveillance hiérarchique.
Finalement, à l’échelle macroéconomique, les technologies détruisent-elles plus d’emplois qu’elles n’en transforment ou en créent ?
On peut le mesurer au niveau de chaque entreprise, ou plutôt de chaque établissement. Mais la réponse sera différente en fonction du secteur d’activité. Automatiser une activité de série, comme l’automobile, où il est possible de remplacer les tâches répétitives des humains par celles effectuées grâce à des machines, n’a pas les mêmes conséquences sur l’emploi que dans une industrie de flux, comme le raffinage ou la chimie, où l’automatisation n’enlève rien à la nécessité d’effectuer des tâches complexes nécessitant de nouvelles compétences.
La fameuse diminution du nombre d’emplois industriels en France n’est pas uniquement due à l’automatisation, mais aussi à la désindustrialisation et aux choix managériaux des directions d’entreprise en faveur du lean management, c’est-à-dire la réduction systématique du nombre de postes à production égale, ou encore aux restructurations et aux délocalisations. Les 200 000 emplois de l’industrie automobile française, sur les 400 000 qui existaient il y a dix ans, n’ont pas disparu : ils existent toujours, mais en Roumanie, au Maroc ou en Slovaquie.
On se désole de l’effondrement des effectifs ouvriers dans l’automobile, mais pourquoi n’y comptabilise-t-on pas les ouvriers des usines de batterie, qui ne sont pas répertoriés dans le même secteur par la statistique ? Bref, les emplois ouvriers ne disparaissent pas, ils se transforment. Malheureusement, pas forcément en bien. La polarisation du débat sur la quantité d’emplois nous fait oublier de considérer la question de leur qualité.
Vous faites allusion à la précarisation croissante, à l’ubérisation, qui rogne peu à peu le statut du salariat ?
C’est ici que l’observation du travail réel donne sans doute le résultat le plus contre-intuitif, car tout le monde peut connaître ou observer cette montée du précariat. Or, les chiffres ne confirment pas du tout cette impression de fin du salariat, ou de remplacement du statut de salarié par l’emploi précaire. Entre 2007 et 2017, malgré dix ans de crise économique, la part de l’emploi en contrat à durée indéterminée dans l’emploi total est restée à peu près stable en France, passant de 86,4 % à 84,6 %. Il n’y a pas eu d’explosion de la précarité.
De même, la durée moyenne de l’ancienneté dans l’entreprise, malgré les plans sociaux, les restructurations, les licenciements, est restée à peu près la même. Elle a même augmenté durant les périodes de crise, pour une raison bien simple : on ne cherche pas un autre emploi quand la conjoncture est mauvaise. Et c’est exactement l’inverse quand elle s’améliore : ce qu’on présente aujourd’hui comme le phénomène inédit de la « grande démission » est simplement le signe que la conjoncture s’améliore, permettant comme à chaque fois dans une telle période une plus grande mobilité sur le marché de l’emploi.
Mais cela ne veut bien sûr pas dire que la précarité n’existe pas ! Seulement, elle est extrêmement concentrée sur des catégories précises : les jeunes, les femmes, les immigrés, dont la durée d’accès à l’emploi stable s’est considérablement allongée. Ce sont eux les précaires, pas l’ensemble des travailleurs.
Le véritable problème du salariat n’est pas la précarisation, mais les transformations du salariat lui-même, attaqué en son cœur pour tous les travailleurs. Ce que l’on observe aujourd’hui dans la réalité du travail, c’est l’accroissement des horaires flexibles et atypiques (la nuit, le week-end), la multiplication des heures supplémentaires, et la stagnation voire le recul des rémunérations, avec l’accroissement de la part variable liée aux résultats de l’entreprise ou du travailleur lui-même. En cela, oui, la situation des salariés s’est détériorée.
Ces mutations ne s’incarnent-elles pas dans la situation de ce qu’on appelle les « nouveaux prolétaires du numérique », qui travaillent pour les GAFA et les plates-formes comme Uber, Deliveroo, etc. ?
Il faut relativiser ce qui serait une « radicale nouveauté » du travail de ces personnes. Tout d’abord, elles ne sont pas si nombreuses : les plates-formes n’emploieraient en France, selon l’OCDE, que 1 % à 6 % de la population active – la fourchette est large car une même personne pouvant travailler pour plusieurs d’entre elles, il y a un nombre indéterminé de doubles comptes. Et surtout, leur modèle économique est extrêmement fragile, car il repose essentiellement sur la docilité de ces travailleurs ; or leurs luttes pour de meilleures rémunérations et conditions de travail, ou la simple application du droit, sont de plus en plus fréquentes. Car ces travailleurs ne sont finalement pas si éloignés du salarié classique.
Le numérique a en fait créé de très nombreux emplois d’ouvriers dans la logistique. Les entrepôts sont la continuation des usines du XXe siècle en matière d’organisation et de nature des tâches effectuées. Il s’agit de vastes concentrations de travailleurs manuels en un lieu unique ; mais au lieu de fabriquer des objets, ils les déplacent. Le secteur de la #logistique emploie aujourd’hui en France 800 000 ouvriers (hors camionneurs), à comparer aux 190 000 salariés de l’automobile.
Mais s’agit-il pour autant d’une nouvelle « classe ouvrière », partageant une culture, une identité commune ?
La notion de classe ne se résume pas en effet à l’affectation à un type de travail donné. Mais l’historien britannique Edward Palmer Thompson [1924-1993] a montré que ce n’est pas l’appartenance de classe qui produit une culture, des luttes sociales et une « conscience de classe », mais les luttes qui produisent cette culture et cette conscience. Il y a donc une continuité manifeste entre le capitalisme « à l’ancienne » et la prétendue « nouvelle économie » du numérique : les salariés des entrepôts d’Amazon, les « partenaires » d’Uber ou de Deliveroo, et même les microtravailleurs d’Amazon Mechanical Turk, de Facebook ou de Google, payés quelques centimes par clic et dispersés partout dans le monde, luttent aujourd’hui pour améliorer leur rémunération et leurs conditions de travail, comme le faisaient les ouvriers de l’automobile au XXe siècle. Même s’ils ne sont pas en CDI.
Dans votre livre, vous critiquez les propositions visant précisément à améliorer, face aux employeurs, la position des travailleurs précaires – comme le revenu de base – ou celle des salariés en général – comme la cogestion. Pourquoi ?
Le revenu universel est selon moi une « solution » individualiste, qui fait passer le travailleur de la dépendance de l’employeur à celle de l’Etat. Il affaiblirait la capacité de lutte collective, qui seule permet d’obtenir de meilleures rémunérations et conditions de travail. C’est le collectif de travail qui a le potentiel politique subversif capable d’imposer un rapport de force dans la relation de subordination qu’est, de toute manière, le salariat. Quant à la cogestion, elle couronnerait le type de lutte que les syndicats ou la social-démocratie ont menée au siècle dernier, mais cela ne donnerait pas d’aussi bons résultats que par le passé dans le monde actuel.
Aujourd’hui, il s’agit d’émanciper les travailleurs du travail tel qu’il leur est imposé, et je soutiens pour cela une proposition positive, qui pourrait fédérer le mouvement social : la réduction pour tous du temps de travail à 32 heures. Il faut libérer la vie du travail, augmenter le temps dérobé à l’emprise des employeurs.
@colporteur CC BY-NC-SA
Ce pays qu'on nous raconte partout est-il vraiment celui qui est sous nos yeux ? Pas vraiment, s'amusent Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely dans ce livre de pop-géographie qui nous décrit une France bien plus plurielle et hybride que celle, toujours éternelle, dont les uns et les autres tentent de nous farcir les oreilles. Derrière la France moche se masque une France hybride, plus recomposée qu'on ne le pense, où les territoires semblent surtout se polariser, s'écarteler, comme s'ils n'étaient plus capables de discuter entre eux. Les maisons de la France qui va bien sont à deux encablures des ronds-points. Partout, les modes de consommation semblent être devenus les formes de distinction d'un pays qui semble avoir abandonné tout rapport productif. Les nouveaux clivages (le libéralisme, l'identitaire et l'écologisme), incompatibles entre eux, s'affrontent désormais jusqu'au territoires mêmes où ils s'affichent. Produisant des espaces si différents qu'ils semblent profondément irréconciliables... alors qu'une culture commune les traverse encore. Elle tient visiblement plus du barbecue, du bricolage et du jardinage que des luttes sociales ou politiques. "La France sous nos yeux" cherche visiblement à nous les faire écarquiller sur un monde qui vis côte à côte, mais plus atomisé socialement que jamais. Hubert Guillaud ((( internetactu.net ))) sur sa page FB.
Face à de tels raffinements dans la conception des jeux il convient de relativiser l’espace de décision dont disposent les joueurs. On peut difficilement parler de consommateur libre et informé. Si les joueurs achètent bien volontairement ces produits, ils n’en sont pas moins en grande partie dupés par les industriels du jeu. Nul paternalisme à constater que les joueurs français sont insuffisamment protégés des pièges cognitifs qu’on leur tend. Inviter le joueur à modérer sa pratique ou à se montrer raisonnable n’a pas grand sens si dans le même temps tout est mis en œuvre pour l’inciter à jouer toujours plus.
Parmi les nouvelles générations, ils sont nombreux à rejoindre les villes pour les études, puis il y a ceux qui restent, souvent parce qu’ils n’ont pas les ressources nécessaires pour partir. Ceux-là tiennent néanmoins à ce mode de vie rural et populaire dans lequel « tout le monde se connaît » et où ils peuvent être socialement reconnus. Comment perçoivent-ils alors la société qui les entoure ? À qui se sentent-ils opposés ou alliés ?
À partir d’une enquête immersive de plusieurs années dans la région Grand-Est, Benoît Coquard plonge dans la vie quotidienne de jeunes femmes et hommes ouvriers, employés, chômeurs qui font la part belle à l’amitié et au travail, et qui accordent une importance particulière à l’entretien d’une « bonne réputation ».
À rebours des idées reçues, ce livre montre comment, malgré la lente disparition des services publics, des usines, des associations et des cafés, malgré le chômage qui sévit, des consciences collectives persistent, mais sous des formes fragilisées et conflictuelles. L’enquête de Benoît Coquard en restitue la complexité.
Article
Depuis 1998, La Fondation Copernic travaille à « remettre à l’endroit tout ce que le libéralisme fait fonctionner à l’envers ». Soucieux de son indépendance et restant par principe hors du jeu électoral, Copernic n’est lié à aucun parti politique, aucun s
De la justesse dans cette analyse ; et ces 2 livres mériteraient le coup d'oeil.
"C'est le grand paradoxe français: alors qu'une bonne partie de la population aspire à vivre à l'abri du tumulte de la ville, l'étalement urbain se fait au prix d'une augmentation de la mobilité."
Illustrateur : LECROART Etienne | Texte + Scénario Monique & Michel PINÇON CHARLOT
"En suivant le procès Cahuzac, les fameux « sociologues des riches » s’associent à Étienne Lécroart pour démonter les mécanismes de l’évasion fiscale, et montrer comment, chez les classes dirigeantes, la fraude se gère en famille.
« Les yeux dans les yeux », Jérôme Cahuzac, ancien ministre du Budget, avait assuré ne pas avoir de comptes en Suisse… Monique et Michel Pinçon-Charlot, sociologues, sont spécialistes de la classe dominante. À la faveur du procès Cahuzac, ils décrivent comment la classe au pouvoir, sans distinction de couleur politique, se mobilise pour défendre l’un des leurs et le système organisé de la fraude fiscale."
D'ailleurs sur France 24, "à l'époque", Monique PinçonCharlot met les point sur les i en présentant entre autre cette BD :
https://www.youtube.com/watch?v=6UX6AGXlf8Y&index=2&list=PLSylP1w0h2Gj-b84fxWhhrIiLIqQIY0uc&t=0s
Documentaire diffusé par la chaîne RT France.
"Ajoutée le 24 oct. 2018
Ils cachent leurs noms et visages pour que personne ne sache qui ils sont et ce qu’ils font. Des membres des bandes de supporters de football les plus violentes confient à RT les détails de leurs activités inconnues jusque là."
Dominique Bodin intervenait dans le décryptage d'un documentaire vidéo diffusé fin 2018 sur la chaîne YouTube de RT France.
Propos éclairants qui me poussent à chercher à le lire (et à regarder le doc ''Hooligans, bête de Foot'').