905 liens privés
Norman Ajari
paru dans lundimatin#461, le 31 janvier 2025
extrait
[Comme le résume Land,] si les néoréactionnaires prennent acte du fait que l’État ne peut pas être simplement aboli, ils considèrent qu’il peut certainement être purifié de la démocratie. Ainsi se préservera-t-on de l’inintelligence du demos. « La démocratie consume le progrès. Considérée du point de vue des Lumières obscures, le type d’analyse approprié à l’étude du phénomène démocratique est la parasitologie générale [8]. » Land encourage un changement de perspective sur la réalité politique : l’État n’appartient pas aux citoyens, il appartient effectivement aux gouvernants qui le pilotent et aux capitalistes qui sponsorisent ces derniers. L’objectif sera donc de mener cette logique à son terme, en se gardant de tout faux-semblant démocratique, et de s’acheminer vers une privatisation absolue et intégrale de chaque fonction de l’État. Idéalement, le pouvoir ne saurait échoir à quelque représentant du peuple, mais seulement au meilleur CEO .
À l’ère des monnaies privées (les crypto), des compagnies militaires privées, des forces de police privées, des agences spatiales privées, une telle perspective inspirée des fictions spéculatives cyberpunk n’a jamais paru si réaliste, pour ne pas dire si évidente. Mais pour y parvenir, il est indispensable de faire prospérer un nouveau type de récit quant au rôle de l’État et du gouvernement.
Bruno Latour, l’un des plus grands penseurs de notre temps, révèle les lignes de failles qui bouleversent nos sociétés et propose des pistes de réflexions pour dessiner le Nouveau Régime Climatique. Christophe Brault, comédien engagé, assure la lecture de ces deux textes fondamentaux, accompagné par l’auteur qui s’est fait un plaisir de lire le début d’Où suis-je ?
C'est en 1956 que le philosophe Allemand Günther Anders écrivit cette réflexion prémonitoire :👇🏾
"Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut surtout pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes archaïques comme celles d’Hitler sont nettement dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif en réduisant de manière drastique le niveau & la qualité de l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle.
« Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations matérielles, médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste... que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.
Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements abrutissants, flattant toujours l’émotionnel, l’instinctif. »« On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon avec un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de s'interroger, penser, réfléchir. »
« On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme anesthésiant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité, de la consommation deviennent le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté »
Günther Anders
«L'obsolescence de l’homme» 1956.
« J’aime les définitions. J’y vois davantage qu’un jeu ou qu’un exercice intellectuel : une exigence de la pensée. Pour ne pas se perdre dans la forêt des mots et des idées. Pour trouver son chemin, toujours singulier, vers l’universel." ACS
Et bien moi aussi, je trouve qu'une définition permet de s'accorder avec l'Autre sur le sens que l'on va donner à ce que l'on vit et comprend ensemble.
Il ne s'agit pas d'être politiquement correct mais de faire régner la Justice.
"Nous ne vivons pas une montée des populismes, mais l’avènement d’une nouvelle condition de l’individu contemporain. Nous sommes les enfants d’une histoire faite de désillusions successives et qui, aujourd’hui, est arrivée à un point d’extrême saturation. Des désillusions à l’égard des pactes sociaux mis en place après la guerre de 1945 appelés à cimenter le corps social", explique le philosophe. "C’est un choc entre deux états contraires : les désillusions sociales et le mirage de puissance offert par l’industrie du numérique". ERIC SADIN
« Nous vivons dans un monde plutôt désagréable, où non seulement les gens, mais les pouvoirs établis ont intérêt à nous communiquer des affects tristes. La tristesse, les affects tristes sont tous ceux qui diminuent notre puissance d’agir. Les pouvoirs établis ont besoin de nos tristesses pour faire de nous des esclaves. Le tyran, le prêtre, les preneurs d’âmes, ont besoin de nous persuader que la vie est dure et lourde. Les pouvoirs ont moins besoin de nous réprimer que de nous angoisser, ou, comme dit Virilio, d’administrer et d’organiser nos petites terreurs intimes. La longue plainte universelle qu’est la vie … On a beau dire « dansons », on est pas bien gai. On a beau dire « quel malheur la mort », il aurait fallu vivre pour avoir quelque chose à perdre. Les malades, de l’âme autant que du corps, ne nous lâcheront pas, vampires, tant qu’ils ne nous auront pas communiqué leur névrose et leur angoisse, leur castration bien-aimée, le ressentiment contre la vie, l’immonde contagion. Tout est affaire de sang. Ce n’est pas facile d’être un homme libre : fuir la peste, organiser les rencontres, augmenter la puissance d’agir, s’affecter de joie, multiplier les affects qui expriment un maximum d’affirmation. Faire du corps une puissance qui ne se réduit pas à l’organisme, faire de la pensée une puissance qui ne se réduit pas à la conscience. »
Gilles Deleuze
Dialogues avec Claire Parnet
Paris, éditions Flammarion, 1977
" En effet, les consignes délivrées pour faire face aux risques de contagion ne relèvent pas du registre des interactions sociales habituelles. Elles réclament des comportements qui contreviennent, notamment, à la proximité physique dont se nourrissent, le plus souvent, nos échanges sociaux. Elles dissocient la présence d’autrui de la possibilité d’en profiter. Bref, autant de situations qui remettent en cause des façons de vivre largement partagées. "
"L’aboutissement de cette « mortification de soi » (le terme est de Goffman), qui suscite de la résistance ou de l’indifférence apparente (au nom du fait que nous n’aurions rien à cacher), serait de laisser la société d’exposition développer son emprise. Notre vie quotidienne ne ressemble-t-elle pas à celle du prisonnier sous bracelet électronique ?"
TOUT SOUS LE MÊME CIEL.
Et ce livre "Tianxia - Tout sous un même ciel" à lire.
Toujours intéressante dans ces réflexions.
"Être ou ne pas être gréviste ? Pas évident de faire grève vis-à-vis de mon employeur, envers lequel, satisfaite de mes conditions de travail, je n'ai pas de grief… Je me sens pourtant solidaire des (...)"
Et moi et moi et moi dans tout ça ?
Le suis-je ou ne le suis-je pas ?
Ce texte est nécessaire. Il déchiffre. Il appelle... à se taire. Pour mieux philosopher... et noyauter.
Par exemple :
"C’est pourquoi, nous dit Walter Benjamin, le parlementarisme des années 20 en Allemagne est en train de péricliter. Les parlementaires se sont laissés fasciner par leur propre mythe juridique et en ont oublié l’origine violente. Or d’autres forces, au même moment, les fascismes, se sont souvenus de cette origine.
Aujourd’hui, on s’étonne de la destruction du droit. On s’en étonnerait moins si on apercevait la vacuité sur lequel il repose. La violence conservatrice du droit est entrée dans une phase de violence refondatrice radicale. Les manoeuvres de la police sont ce qui définit la forme à venir de la constitution. En ce sens, la police ne se soucie plus de conserver l’ancien droit, mais est en passe d’en affirmer définitivement un nouveau. L’aptitude de violence du programme de la Résistance est désormais dissipée. Rien ne fonde aujourd’hui notre droit. L’usage de la violence est redevenu intégralement instituant."
Bah oui pourquoi ? Peut être parce qu'à table nous parlions hier de l'ultime possible d'entre NOUS AUTRES, les grains de rien, celui de faire noyau. Celui autour duquel pourrait s'agréger L'AUTRE si il y aspire. Mais en tout cas et en tout lieu seul ce NOYAU peut à nos yeux faire sens ICI et MAINTENANT.
D'ailleurs, écoutons lire le bruissement des mots qui suivent :
"Face aux liens fictifs que nous propose le monde actuel, préférons la rencontre, rendons-nous visite, forgeons des liens bien plus consistants. Décidons collectivement de laisser « enfin le règne aux comités de base », au commun, aux communes. « Et si possible une multiplicité de communes qui se substitueraient aux institutions de la société : la famille, l’école, le syndicat, le club sportif » (L’insurrection qui vient).(...) "
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"La révolution numérique n'est plus un slogan. Chaque jour, nous naviguons un peu plus, délaissons l'imprimé pour l'écran, stockons nos connaissances, vérifions sur Internet ce que nous dit un interlocuteur… ou un enseignant. Comment apprendre, lire, nous souvenir, transmettre, emportés par ce flux que nous maîtrisons encore mal ? Le danger de perdre la concentration et la mémoire, de négliger l'étude, de ne plus pouvoir enseigner, est réel. Mais le basculement de Gutenberg à Google porte aussi en lui l'espoir d'un esprit enfin libre – puisque des machines s'occupent de l'intendance – de se consacrer à l'essentiel : la pensée créatrice. Comme en son temps l'imprimerie, il n'est pas impossible qu'Internet fasse éclore un nouvel humanisme."
"Jean-Michel Besnier, philosophe, professeur à la Sorbonne et à Sciences Po, auteur de « L’homme simplifié, le syndrome de la touche étoile » chez Fayard."
Quel est-il et pourquoi revient-il en force chez les penseurs chinois ?
Enfin un peu d'esprit critique dans ces refrains et louanges.
"Les promoteurs du confucianisme politique y voient la promesse d'une gouvernance mondiale « sans exclus », le dépassement des égoïsmes nationaux qui mettent en péril notre planète. Mais vu de près, le concept de Tianxia est lui-même un puissant levier du nationalisme chinois."
Bernard Stiegler, ses questions... des réponses, et tout et tout.
Daté de 2016 déjà ;)